Qu’est-ce qui ne va pas avec le mot « hypersensible » ?
Comme beaucoup de personnes hypersensibles, je pose souvent une question simple : « Qu’est-ce qui ne va pas avec le mot “hypersensible” ? C’est un mot qui a de multiples significations, mais celle que nous choisissons est celle qui raconte l’histoire de notre vie. Malheureusement, c’est le mot qui est le plus souvent utilisé de manière péjorative pour décrire notre nature qui est soit abhorrée, soit tolérée par les personnes moins sensibles.
Nous vivons dans une culture qui valorise le détachement émotionnel, la prise de décision sans état d’âme, les capacités logiques et guerrières qui semblent si éloignées des comportements fondamentaux des personnes hypersensibles. Notre culture considère la sensibilité comme une faiblesse, un manque de discipline, de contrôle ou de maturité. Une évaluation injuste et erronée, s’il en est.
Ce jugement est particulièrement dur pour les hommes hypersensibles, qui ont déjà des difficultés avec ce trait de caractère en raison des attentes de la culture en matière de comportement masculin. Techniquement, notre trait est appelé sensibilité au traitement sensoriel, qui est directement lié à la théorie de la sensibilité à l’environnement. Cette théorie repose sur l’idée que la sensibilité sensorielle à l’environnement s’exprime sur un spectre allant d’un niveau élevé à un niveau faible. Le terme « sensibilité au traitement sensoriel » est un peu compliqué, mais il est beaucoup plus agréable à comprendre que le terme « sensibilité » tout court.
Pourtant, près de trente ans après que le Dr Aron a inventé l’expression « personnes hypersensibles », nous nous débattons toujours avec la concaténation de ce terme de sensibilité. Les hommes sensibles se débattent avec le stéréotype. Comparés à leurs pairs non hypersensibles, ils ont l’impression d’être moins masculins.
Mais que signifie réellement le terme « sensible » ? Nous savons que le terme a de multiples significations, mais pourquoi choisissons-nous la définition la plus dégradante ? Nous devons rénover sérieusement la façon dont le terme « sensible » est utilisé, creuser un peu plus en profondeur et préciser l’explication du terme pour vraiment saisir la nature complexe de la sensibilité élevée et en recadrer le sens.
Les hommes peuvent-ils être hypersensibles tout en restant masculins ?
Tiré du coffre-fort de mon expérience personnelle
« Fils, es-tu un homme ou une souris ? Ces quelques mots m’étaient adressés par mon père chaque fois que, petit garçon, je pleurais un peu trop. Dans les années 50 et 60, il n’était pas prudent pour les petits garçons de montrer trop de traits de sensibilité émotionnelle. Ils risquaient de passer pour des mauviettes, si vous voyez ce que je veux dire. Mon père me posait donc cette petite question et je cessais brusquement d’être sensible, je me ressaisissais et j’agissais comme le petit homme que j’étais censé être.
Cela correspondait parfaitement au faux paradigme sudiste de la virilité et de la dureté auquel lui et tant d’hommes de sa génération souscrivaient. C’est ainsi qu’est né le refrain que j’ai entendu tout au long de ma vie : « tu es trop sensible », “sois un homme”, “endurcis” et “fais-toi une paire”. À force d’entendre cela, de la part d’hommes et de femmes, on en vient à se demander si l’on est assez viril pour être un vrai homme. Après tout, les vrais hommes ne mangent pas de quiches. Et qu’est-ce qu’un vrai homme ?
Au fil des années, j’ai commencé à me protéger de ce type de critiques en essayant de vivre la vie virile que l’on m’avait enseignée. Mais cela m’a toujours semblé un peu faux et inauthentique. Plus je vieillissais, plus je me rendais compte que je n’étais pas moins un homme, car je pouvais ressentir des émotions profondes, entrer en contact avec mon centre intérieur et exprimer librement les émotions qui m’habitaient. Lorsque j’ai commencé à lire des articles sur le type de personnalité hypersensible, je me suis senti justifié et libéré. Le Dr Elaine Aron reçoit de ma part un prix pour l’ensemble de sa carrière. Et je suis sûre que beaucoup de personnes hypersensibles ressentent la même chose.
Pourquoi le monde a aujourd’hui besoin d’hommes hypersensibles
Dans les années soixante, une comédie musicale rock de Broadway intitulée Hair proclamait que nous étions à l’aube de l’ère du Verseau. Tout était nouveau et brillant et promettait une période de grand éveil et de paix. Nous avons attendu et attendu, mais cela ne s’est jamais produit. Les années soixante ont été une époque de nouveaux départs, de grandes expérimentations, de musique géniale, de drogues et de sexe, et oh … de tant de promesses.
Puis vinrent les années soixante-dix, et toutes ces belles choses sur la planète, l’amour et la paix furent englouties dans une cuillère de coke, et le monde se tourna vers l’intérieur, vers des poursuites égoïstes. Dans les années 80, nous avons succombé à la rhétorique conservatrice d’un acteur de cinéma de niveau B ; la masculinité hégémonique d’antan a refait surface, et tout est rentré dans l’ordre. La possibilité d’une égalité raciale, sexuelle et de genre a été étouffée par les pouvoirs en place, et nous avons perdu l’élan nécessaire pour changer la planète.
Pourtant, je ressens un retour à ce rêve plein d’espoir, à cet objectif idéalisé de nous faire progresser vers l’harmonie et l’équilibre, sans le cynisme des quarante dernières années. Depuis des générations, la nature a créé un groupe d’humains spécialement conçu pour contribuer à ce processus, un groupe composé d’hommes et de femmes, de personnes de toutes races, religions, pays, croyances et âges. Ce groupe de personnes est parfois docilement appelé « personnes hypersensibles ».
Il n’y a rien de doux ou de faible dans ce groupe. Elles sont sages, perspicaces, courageuses, créatives et intuitives. Ce ne sont pas des personnes parfaites, mais elles sont parfaites pour cette cause. Ce sont les sages protecteurs, les dirigeants prudents, les personnalités sacerdotales réfléchies et empathiques disséminées dans le monde entier. Ce groupe fait partie de la recette de la nature, un ingrédient doux dans le mélange humain, un ingrédient qui ajoute la bonne quantité de nutrition et de saveur pour améliorer le goût et la nourriture, mais pas assez pour dominer ou détruire. Telle est la mission des personnes hypersensibles.
Le but, la mission, est de faire évoluer la conscience de l’ancien modèle vers le nouveau. Le nouveau modèle est celui de l’égalité, de l’intendance, de l’utilisation de toutes les capacités sensorielles, de la prévenance et de la gentillesse, du partage et de l’amour mutuel – chacun pour ses dons uniques.
Je n’exagère pas ; regardez autour de vous. Observez le monde. Les quatre-vingts autres pour cent ne peuvent pas s’en charger seuls. Le monde a besoin de nous maintenant si nous observons, écoutons et ressentons.
Nous avons une sagesse inhérente à tout cela. Cela nous affecte différemment du monde des non-hypersensibles. Nous le ressentons profondément ; il ne nous laisse pas tranquilles. Nous lutterons davantage contre ce phénomène d’année en année. Ce sentiment au creux de l’estomac, c’est la nature qui nous appelle, qui nous met au service de la société. Nous devons lui faire confiance.
La création de l’homme nouveau commence par la révolution de l’homme hypersensible
Pour que le changement ait lieu, nous devons convertir davantage d’hommes à la cause de l’équilibre. Je pense que cela est en train de se produire spontanément, mais lentement et discrètement, avec peu ou pas de fanfare. Beaucoup d’hommes plus jeunes de la génération X et des générations futures commencent à voir la folie de l’ancien modèle de rôle masculin traditionnel, adopté par la génération de nos pères. Certains groupes d’hommes, que l’on pourrait qualifier de traditionalistes, continuent de s’opposer à cette évolution. Ces personnes ont tendance à être conservatrices sur le plan politique et liées à des groupes religieux conservateurs et traditionnels. Ces hommes estiment qu’ils ont le plus à perdre en cédant davantage à l’égalité et seront les plus difficiles à convaincre qu’il existe une nouvelle voie.
Toutefois, en touchant davantage d’hommes de toutes les générations, nous contribuons à les libérer du vieux joug de la masculinité traditionnelle, qui représente pour beaucoup d’hommes un fardeau à la fois émotionnel et mental. Le précepte le plus stimulant pour ces hommes est qu’ils deviennent plus masculins et plus humains en embrassant le nouvel homme qui est en eux. Ironiquement, en lâchant prise, ils acquièrent une nouvelle liberté qu’ils n’ont jamais connue.
Contraints par la nature d’être la construction de base de ce que le nouvel homme peut être, les hommes hypersensibles peuvent maintenant librement être des guides expérimentés, des leaders réfléchis et des caisses de résonance émotionnelle pour les hommes traditionnels, en les aidant à passer à des hommes plus évolués et plus humains. Cette transformation ne se fera pas du jour au lendemain. Au mieux, il s’agira d’une transition intergénérationnelle, car les nouveaux garçons apprendront dès le départ à devenir des humains sensibles, intuitifs et capables d’accueillir les émotions. Ils apprendront à être forts et confiants tout en restant en contact avec les autres aspects yin de leur nature.
À mes frères hypersensibles, sachez ceci : nous avons déjà la force dont nous avons besoin pour nous aider dans cette tâche. Nous sommes conçus pour cette tâche. L’évolution est un processus lent et volontaire. Elle broie ce qui n’est plus nécessaire et développe des outils et des caractéristiques qui permettront de passer à l’étape suivante du développement. Nous, les hommes hypersensibles, ne sommes pas complètement développés non plus. Nous devrons évoluer avec nos semblables. Cette obligation peut parfois sembler difficile, mais nous sommes le modèle de base. Nous pouvons être le modèle à partir duquel la nature construit et affine le masculin. En nous laissant traverser par cette évolution, à l’instar de la chrysalide, nous émergeons plus robustes et plus résistants – l’humanité en bénéficie. Nous devons accepter cette vocation.
Êtes-vous hypersensible ?
Les personnes hypersensibles présentent quatre caractéristiques principales définies par le Dr Elaine Aron sous l’acronyme DOES. Bien qu’il existe des différences individuelles chez les hypersensibles, ces quatre traits couvrent le plus large spectre d’attributs communs, fondés sur des preuves, que nous observons chez les hypersensibles.
L’acronyme DOES signifie
D – profondeur de traitement. Les hypersensibles traitent généralement les données sensorielles, environnementales et émotionnelles beaucoup plus en profondeur que les non-hypersensibles. Cette profondeur de traitement ajoute de la dimension et de la créativité à notre pensée. Par conséquent, nous résolvons naturellement les problèmes lorsqu’on nous donne le temps et l’espace pour réfléchir.
O– Le débordement causé par la surstimulation est une autre caractéristique des hypersensibles. Avec la quantité de traitements profonds et d’entrées sensorielles que nous recevons, il n’est pas rare que nous soyons surstimulés. En cas de surstimulation, les hypersensibles ont naturellement envie de se retirer ou de se replier sur eux-mêmes. Il s’agit d’un processus normal qui nous permet de nous réénergiser, de nous recentrer et de renouveler nos ressources. Pour d’autres, cela peut sembler quelque peu antisocial. Pourtant, il ne s’agit pas nécessairement d’éviter les autres, mais plutôt de nous permettre de nous regrouper dans un endroit calme et privé, à l’abri des stimulations inutiles.
E – réactivité émotionnelle. Nous sommes non seulement de grands processeurs de pensée, mais aussi de grands processeurs d’émotions. Cette émotion profondément ressentie se manifeste souvent à l’extérieur, ce qui semble à d’autres un excès d’émotion. En réalité, le traitement des émotions à ce niveau sollicite nos systèmes, comme c’est le cas pour toute personne ayant vécu un événement chargé d’émotion. Même des choses simples peuvent provoquer des réactions émotionnelles profondes. L’autre aspect de ce phénomène est qu’il contribue à alimenter nos niveaux intenses d’empathie. Grâce à nos neurones miroirs, nous nous sentons profondément concernés par le sort des autres. Cette réaction pousse souvent les hypersensibles à s’engager dans des professions d’aide, car c’est un autre comportement naturel des hypersensibles.S – sentir les subtilités sensorielles. Notre capacité à traiter les données sensorielles est très fine. Pour la sélection de l’attention, les filtres de notre cerveau laissent passer plus d’informations sensorielles pour les traiter. Cela signifie que nous pouvons détecter des indices environnementaux subtils qui échappent aux autres. Cette capacité nous rend plus conscients de l’environnement et, par conséquent, nous rend plus sensibles à l’environnement, notamment à la détection du danger et à l’inconfort. Elle améliore nos capacités d’observation, mais il y a parfois un prix à payer pour ces informations supplémentaires. Une sur stimulation peut se produire si les entrées sensorielles sont trop importantes.